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Programme national des réformes | La Tunisie est-elle réformable ?

Par Hakim Ben Hammouda — Ancien ministre des Finances — Directeur Global Institute 4 Transitions

Le gouvernement vient de lancer, à travers une vaste campagne médiatique, son Programme national de réformes économiques. Il s’agit de la première grande annonce de ce gouvernement, après plus de neuf mois d’exercice, pour présenter sa vision et ses priorités dans le domaine économique et social.

Cette présentation me donne l’occasion de poser une question générale qui ne se limite pas à ce gouvernement, mais concerne tous ceux qui l’ont précédé et qui porte sur l’incapacité à mettre en place les programmes de réforme qu’ils conçoivent. La plupart des gouvernements, qui sont arrivés aux affaires depuis 2011, ont défini un programme de réformes et ont organisé d’importantes campagnes médiatiques de vulgarisation. Mais la plupart de ces gouvernements n’ont pas réussi à mettre en œuvre leurs réformes et même s’ils sont parvenus à appliquer certains, les résultats étaient mitigés. Du coup le constat est implacable ! La plupart des gouvernements ont échoué dans la mise en place des réformes en dépit de la pertinence de certaines et n’ont pas réussi à améliorer la situation économique et financière du pays.

Ces échecs et l’incapacité à mettre en place ces réformes ne nous ont pas permis de sortir notre pays du modèle de développement, en crise hérité du début des années 1970 et sont au cœur des difficultés que nous rencontrons depuis quelques années avec les institutions financières internationales dont le FMI avec les retards pris par les négociations pour élaborer de nouveaux programmes de coopération et d’appui.

La question essentielle qui se pose pour tous les gouvernements et particulièrement pour les institutions de l’Etat en charge de la mise en œuvre et de l’exécution des réformes est de comprendre les raisons de ces échecs et de cette incapacité à initier une dynamique de changement et de réforme. Et, au-delà, la question la plus importante est de savoir si la Tunisie est vraiment réformable ?

Mais avant de répondre à cette question, il est important de souligner l’importance des efforts du gouvernement pour définir une vision réformatrice et de planifier l’avenir. J’avais insisté à plusieurs reprises que notre pays se devait de sortir de la gestion à très court terme des grands équilibres macroéconomiques et de la hantise quotidienne du respect des engagements de l’Etat pour une démarche globale et stratégique qui exige la définition d’un projet et d’une vision capable de sortir de la crise actuelle de notre économie et d’ouvrir de nouvelles perspectives à notre pays.

Les réformes sont un processus essentiellement politique !

L’une des premières difficultés rencontrées par les programmes de réforme mis en place par les différents gouvernements concerne la vision technique et technocratique qui les a portés. Ces projets de réforme ont été fondés sur une vision qui a considéré la réforme comme un travail technique qui est du ressort des experts, des responsables de l’administration et des bureaux de conseil. Cette conception des réformes a rencontré des difficultés et des oppositions de la part d’un nombre croissance de couches sociales qui ont contribué à l’échec des réformes et sa faible mise en œuvre.

Ces échecs ont montré que les réformes économiques sont avant tout une dynamique politique dans la mesure où elles mettent en jeu les intérêts des différentes couches sociales qui vont résister à cette dynamique et s’y opposer de manière directe ou insidieuse. La nouvelle vision des réformes économiques a été à l’origine du recul de la vision classique et traditionnelle qui se limitait à cette conception technocratique et de l’émergence d’un nouveau champ de savoir et d’une nouvelle discipline qui s’appelle l’économie politique des réformes. Cette nouvelle vision souligne que la dynamique des réformes s’inscrit de manière étroite dans les dynamiques politiques dans la mesure où elle touche directement les intérêts des différentes classes sociales.

Cette nouvelle vision a introduit de nouveaux éléments que toutes les dynamiques de réformes doivent prendre en considération pour réunir les conditions de succès pour ce processus. Parmi ces conditions, il faut mentionner les effets sociaux et l’impact des projets de réformes sur les couches sociales, et plus particulièrement la nécessité de déterminer les vainqueurs et les perdants de ces réformes. Cette lecture des projets de réformes est essentielle pour sa réussite. Les couches sociales qui seront touchées de manière négative vont résister avec force à leur mise en œuvre. Leur adhésion, ou tout au moins leur neutralité, exige des négociations parfois difficiles pour leur proposer la compensation de leurs pertes. Les forces sociales qui vont tirer des bénéfices des réformes ne vont pas exprimer un soutien large et massif de la même ampleur que la résistance des perdants. Plusieurs raisons expliquent cette neutralité des gagnants : le manque de confiance dans les gouvernants et l’incertitude quant aux bénéficies présumés.

Ainsi, les dynamiques de réforme placent au centre le conflit social et politique. En effet, leur réussite demande une grande ouverture ainsi qu’une grande capacité de négociation de la part des gouvernements afin d’assurer une large adhésion sociale.

Parallèlement à ces effets sociaux, l’économie politique des réformes met l’accent sur un élément essentiel qui concerne la programmation des réformes et les séquences de leur mise en œuvre. Une programmation réaliste qui prend en considération la capacité d’exécution des institutions de l’Etat est un important gage de réussite.

Une étude comparative des réformes dans les différents pays a démontré que l’une des raisons des échecs des programmes est l’absence de priorisation dans leur mise en œuvre. La plupart des gouvernements s’engagent dans les contextes de crises majeures dans la définition de programmes avec un grand nombre de réformes. Mais l’absence d’un travail de priorisation et d’un séquençage réaliste qui s’ajoutent aux capacités d’exécution relativement faibles des institutions de l’Etat auront des effets négatifs sur les dynamiques de réforme et vont conduire à leur perte.

On peut également souligner un autre élément mis en exergue par les différents courants de l’économie politique des réformes qui concerne la mobilisation des ressources financières nécessaires pour leur mise en place, particulièrement pour la compensation des perdants et des couches sociales qui auront à assumer le poids des réformes. En dépit de l’importance de cette question, rares sont les dynamiques de réformes qui lui accordent de l’importance. Ainsi, l’absence de moyens financiers adéquats a été un motif d’échec des réformes.

La vision des réformes économiques a connu une importante évolution au cours des dernières années et l’apparition de nouvelles visions connues sous l’appellation de l’économie politique des réformes met ces processus au cœur des dynamiques politiques et sociales. Or, nos différents gouvernements ont gardé la vision classique et traditionnelle qui se limite à sa conception technique et administrative. Le programme national des réformes du gouvernement actuel a repris la même démarche. La conception traditionnelle et anachronique des réformes fera face aux mêmes difficultés et blocages rencontrés par les démarches précédentes, en totale coupure avec la dynamique politique et sociale.

Les limites de la méthode !

L’une des conditions essentielles pour la réussite d’un programme de réforme concerne l’existence d’une méthodologie efficace et capable d’unir toutes les forces dans un front large pour changer les structures économiques héritées du passé et construire de nouvelles dynamiques économiques.

Or, la méthodologie suivie par le gouvernement présente de grandes limites que nous avons recensées autour de quatre points.

La première limite concerne la faiblesse du processus de participation pour ne pas dire son absence. Il est important de mettre l’accent sur l’importance de la transparence et de la participation dans les dynamiques de formulation des réformes économiques et d’une manière générale dans la construction des grands programmes économiques. Cette méthodologie s’inscrit dans l’évolution politique récente des sociétés démocratiques qui fait de la participation citoyenne dans la formulation des grands projets économiques et des politiques publiques une condition de succès. Cette participation exige la transparence, l’ouverture et la rupture avec les démarches traditionnelles des régimes politiques autoritaires qui la limitaient aux responsables des institutions de l’Etat et des experts en charge de la préparation de ces programmes.

Cette méthodologie participative et transparente est devenue le nouveau cadre suivi par les pays dans l’élaboration de leurs grands choix et priorités économiques, et dans la formulation de leurs politiques publiques. Par ailleurs, les institutions financières internationales, dont le FMI et la Banque mondiale, conseillent leurs pays membres de suivre cette méthodologie participative qu’elles considèrent comme une des conditions de la réussite de toute dynamique réformatrice.

Ce qu’on peut reprocher à la démarche du gouvernement actuel, c’est la faiblesse de sa dynamique participative avec les grandes organisations sociales, comme l’Ugtt ou l’Utica, et toutes les autres organisations sociales. A ce propos, il faut préciser que la démarche participative ne se limite pas à la présentation des programmes du gouvernement dans de grandes joutes verbales, mais exige la constitution, par exemple, de commissions conjointes pour discuter toutes les options de manière sérieuse. Ces échanges dans les commissions conjointes donnent l’occasion au gouvernement de mieux expliquer les contraintes et les défis ainsi que ses propositions pour sortir des situations de crise. En même temps, ces échanges donnent au gouvernement la possibilité d’enrichir ses propositions par des idées nouvelles qui peuvent provenir des acteurs économiques et sociaux qui ont accumulé une large expérience dans leurs domaines d’action.

La deuxième limite de la méthodologie gouvernementale est l’absence de continuité dans la formulation des programmes et des visions globales. Cette approche n’est pas propre au gouvernement actuel, au contraire, beaucoup d’autres gouvernements l’ont partagée. Jusqu’à nos jours, les gouvernements en place préfèrent partir d’une page blanche et ignorent les travaux et les propositions formulées par leurs prédécesseurs.

Cette démarche est, de mon point de vue, pleine d’écueils. Le premier concerne l’absence d’une véritable continuité dans l’action gouvernementale et dans la mise en place des grands projets et des politiques publiques qui ne trouvent pas le temps de maturation nécessaire pour donner leurs résultats suite aux changements récurrents dans les priorités.

L’absence de continuité dans les programmes d’action du gouvernement conduit à ce que certaines propositions et projets pertinents, qui auraient pu mener à un changement de la situation économique si les nouveaux gouvernants les avaient retenus, passent aux oubliettes. Je peux à ce propos citer deux exemples importants : la société de gestion des actifs publics dans les entreprises publiques et la société de gestion de la dette publique qui sont marginalisées dans les priorités du gouvernement actuel en dépit du large consensus sur leur pertinence.

L’absence de continuité conduit à la reprise des erreurs des gouvernements précédents. A ce propos, nous pouvons citer la question des subventions. Avec plusieurs experts, j’avais insisté depuis plusieurs années sur le fait que cette réforme ne sera pas mise en œuvre si les gouvernements suivent la démarche classique et imposée par les institutions internationales connues sous le slogan que la subvention doit aller à ceux qui en ont besoin. J’avais mis l’accent sur la nécessité de s’inscrire dans d’autres voies qui feront preuve d’un plus grand réalisme et auront plus de chances d’être mises en œuvre.

La troisième limite de cette démarche concerne la participation incluant les plus hauts cadres de l’administration dans la formulation du programme des réformes et du programme national des réformes pour la première fois depuis 2011. A ce propos, nous mettrons l’accent sur l’importance de la participation des hauts responsables dans ce processus compte-tenu de leurs expériences et du savoir accumulé dans l’analyse des défis de l’économie tunisienne. Mais l’ouverture de cette participation à d’autres experts en dehors de l’administration aurait pu enrichir la démarche des réformes avec les nouvelles idées et les ruptures qu’ils peuvent suggérer par rapport au fonctionnement traditionnel de l’économie. Dans les moments de grandes crises que traversent les pays comme ceux que nous vivons aujourd’hui, la démarche des réformes ne peut se limiter à l’amélioration de l’existant et à sa défense mordicus, mais exige des ruptures profondes qui ne peuvent provenir que de l’extérieur du système en place et rarement de l’intérieur.

La dernière limite que nous voulons mettre en exergue concerne la préférence accordée par les institutions de l’Etat pour les démarches administratives, et notamment la préparation perpétuelle de rapports, de notes de service par rapport à l’exécution et à la mise en œuvre. A ce niveau, nous prendrons un exemple précis qui concerne la décision du gouvernement dans son projet de préparer un plan de développement 2023-2025. La première remarque est que tout en mettant l’accent sur l’importance du travail de planification, il est important de souligner que la durée d’un plan sérieux de développement ne peut être en dessous de cinq ans.

La seconde remarque importante à ce propos concerne le cadre général de l’élaboration de cette nouvelle vision économique et particulièrement l’entrée en vigueur depuis deux ans de la nouvelle loi fondamentale du budget. Cette nouvelle loi a introduit le budget glissant qui est défini sur trois ans et permet de planifier les investissements publics sur une moyenne période. La question qu’on est en droit de poser aujourd’hui concerne l’apport d’un plan 2023-2025 tel qu’envisagé par le gouvernement en présence d’un budget glissant. Il me semble que le rajout de rapports supplémentaires ne peut que mettre à rude épreuve les institutions de l’Etat et particulièrement les administrations et vont les détourner du travail d’exécution et de mise en œuvre et d’accompagnement des acteurs économiques et sociaux.

A ce propos, il est important de suivre les normes internationales dans le domaine de la formulation des grandes priorités économiques et des politiques publiques qui sont basées sur deux outils : la vision stratégique qui couvre une période allant de 10 à 15 ans et les budgets glissants qui couvrent une période de trois ans.

Ces remarques sur la méthodologie exigent des améliorations et des changements afin que la démarche de réformes et la vision économique en général bénéficient d’un large soutien et soient en mesure de répondre aux défis économiques et de mettre notre pays sur la voie de la prospérité et de la transition économique.

Parallèlement à ces questions de méthode, il est aussi important d’examiner le contenu et la vision portés par le programme national de réformes.

La stabilisation ne crée pas de croissance !

Le programme national des réformes ne se limite pas aux questions politiques et de méthode, mais concerne également la vision globale qui sous-tend la croissance et les politiques publiques à venir. Il faut dire que l’un des plus grands défis rencontrés par les différents gouvernements depuis la révolution concerne la fragilité et la faiblesse de la croissance économique. Nos résultats à ce propos ont été faibles, ce qui a renforcé les crises économiques et financières. Et, en l’absence d’une croissance forte et soutenue, il n’est pas possible de réaliser un véritable développement capable de concrétiser les revendications de la révolution et particulièrement de réduire le chômage et contribuer à l’inclusion sociale et faire face à la marginalisation.

La faiblesse des résultats des différents programmes gouvernementaux et des projets de réformes économiques en matière de croissance trouve son explication dans la domination d’une vision conventionnelle et attentiste dans la formulation des politiques économiques. Si cette vision a dominé les choix de différents gouvernements post-révolution, le programme national des réformes du gouvernement actuel a conservé le même ancrage traditionnel et conventionnel dans ses choix économiques.

Cette vision s’exprime sur trois plans qui sont à l’origine de la faiblesse de la croissance et des échecs des réformes. La première caractéristique concerne la prédominance de la stabilisation dans les politiques économiques dans une quête désespérée des grands équilibres macroéconomiques. Nous avons souligné à plusieurs reprises que la stabilisation et le sauvetage des grands équilibres sont essentiels, mais ils seraient encore plus faciles à atteindre si nous avions donné la priorité à la croissance et à l’investissement aux dépens de l’austérité.

La seconde caractéristique des politiques conservatrices et conventionnelles, c’est la grande peur face aux ruptures et l’absence du courage et de l’audace dans leur mise en œuvre. Les politiques publiques vont alors se limiter à gérer et améliorer à la marge le modèle de développement en place sans avoir le courage d’entamer les changements nécessaires à la mise en place d’un nouveau modèle de développement.

Cette démarche s’observe à travers l’absence dans ce projet de réformes ou la faible présence des cinq grands défis :

– Le premier défi concerne le secteur industriel et la nécessité de définir une nouvelle politique industrielle qui nous permettra de rentrer avec force dans l’univers de l’industrie 4.0 qui a été ignoré dans ce projet.

– Le deuxième défi est celui du secteur agricole dont la place stratégique s’est renforcée après la guerre en Ukraine et qui exige la définition d’une politique agricole qui rompt avec les choix d’antan qui ont mis l’accent sur la sécurité alimentaire et la nécessité de passer à un nouveau paradigme de la souveraineté alimentaire pour les secteurs essentiels de nos habitudes alimentaires, à savoir les céréales, l’huile, la viande, le sucre et le lait. Or, le programme gouvernemental s’est limité à ce niveau à quelques augmentations des prix de certains produits agricoles, notamment les céréales et l’augmentation des terres cultivées sans une vision stratégique globale quant à l’avenir du secteur.

– Le troisième défi concerne le numérique qui doit constituer l’une des priorités de notre pays au cours des prochaines années. Or, le programme gouvernemental s’est limité à quelques recommandations dans la numérisation de l’administration qui connaît un important retard par rapport aux autres pays, mais sans une vision globale dans ce domaine.

– Le quatrième défi dans ce domaine concerne la transition énergétique pour laquelle notre pays connaît un important retard dans ce domaine en dépit des dernières mesures prises récemment en matière d’énergies renouvelables. Dans ce domaine nous nous attendions à une véritable révolution énergétique pour rattraper le temps perdu et nous rapprocher des autres pays qui ont effectué des pas de géant dans ce domaine.

– Le défi social constitue le défi majeur depuis la révolution et la plus importante source d’instabilité politique et de crise pour la transition démocratique. On s’attendait à quelques propositions dans ce domaine pour réduire le chômage et la marginalisation sociale et renforcer l’inclusion sociale.

La troisième caractéristique de cette démarche traditionnelle et conventionnelle dans la définition des priorités du développement concerne la domination de la vision législative comme si l’accumulation des lois aussi pertinentes soient-elles allaient régler les questions du développement dans notre pays.

Le retour de la croissance et du développement nécessite une véritable rupture avec les visions conventionnelles et conservatrices qui ont dominé les politiques publiques et qui ont été à l’origine de fragilité de nos grands équilibres et notre incapacité à entamer les grandes transformations et ruptures de notre monde et dans lesquels beaucoup de pays ont effectué de grandes avancées. Notre réussite dans la gestion de nos maux et crises à répétition passe par la définition d’un nouveau paradigme de réformes économiques basées sur l’audace, le courage et la détermination. 

L’absence d’outils et de mécanismes d’évaluation et de suivi

Les projets de réforme mis en place depuis la révolution souffrent de l’absence d’outils de mesure et de suivi des progrès dans la mise en œuvre des réformes et dans la réalisation des objectifs fixés. Le programme national du gouvernement actuel s’inscrit dans cette logique qui a caractérisé les politiques publiques au cours de la décennie passée.

L’absence de véritables outils d’évaluation et de suivi freine l’exécution des programmes de réforme. D’abord, l’absence d’objectifs chiffrés et d’horizons temporaires de mise en œuvre des programmes constitue une limite essentielle pour les programmes économiques. Les économistes à ce propos ont tendance à dire que ce qu’on ne peut pas mesurer ne peut pas être réalisé. Par conséquent tout programme de réformes exige la définition d’objectifs précis avec des délais clairs pour assurer un suivi et une évaluation rigoureuse des différentes mesures.

Le deuxième outil important pour suivre le changement économique et social concerne la projection des résultats des différents outils. On constate dans la plupart des projets gouvernementaux l’absence de projections qui sont nécessaires pour construire la légitimité des politiques suivies et tracer les perspectives futures de l’économie nationale.

Le troisième défi dans notre pays en matière d’exécution des politiques publiques et de réformes concerne le gap entre les annonces et l’exécution. L’exemple le plus immédiat sur ce décalage concerne les mesures prises par le gouvernement pour la relance de l’économie où seulement une décision sur les 43 définies a été transformée en un décret. La réduction de ce gap est une condition essentielle pour construire la crédibilité des politiques publiques et des réformes économiques.

Notre pays traverse une crise économique et financière sans précédent qui exige des réformes profondes afin de mettre notre économie sur la voie d’un développement inclusif et soutenable. Le gouvernement actuel, comme beaucoup de gouvernements qui l’ont précédé, a défini un programme national de réformes afin de lever les défis rencontrés par notre économie. Or, pour beaucoup d’experts, ce programme de réformes risque de rencontrer les mêmes difficultés que ceux des gouvernements précédents. Ces échecs et cette incapacité à mettre en place des changements profonds sont à l’origine d’un questionnement plus profond sur la perméabilité de notre pays aux réformes. Notre analyse dans cette contribution nous montre que finalement, il n’y a pas des sociétés plus réformables que les autres. Toute la question est de savoir si on a réuni toutes les conditions nécessaires pour la mise en place et l’exécution des réformes. En Tunisie, il est temps de sortir de ces crises politiques à répétition et d’instaurer un climat politique apaisé et favorable aux réformes. Par ailleurs, leur réussite dépendra de notre capacité à nous doter d’une vision audacieuse et courageuse qui nous permettra de rétablir la confiance et restaurer l’espoir de réussir la double transition démocratique et économique.

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